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The British Way : La révolution chez les COIN, pour le plaisir des néophytes comme des vétérans.

Sommaire

La série COIN, entre jeu de guerre et Eurogame

Descendante directe de Twilight Struggle et de Labyrinth : War on terror, cette série au système de jeu asymétrique et simulant des conflits de contre-insurrection est une excellente porte d’entrée dans le monde du wargame pour les afficionados du jeu de société qui n’ont jamais osé ou souhaité franchir le pas.

Visuellement, et c'est la première chose que l'on remarque, si le rendu est simple il s’avère moins austère que pour les wargames classiques. Fini les carrés de carton avec les symboles OTAN et de multiples valeurs numériques, ici les unités sont représentées par des pièces en bois colorées. Fini aussi la grille hexagonale sur l’équivalent d’une vue satellite, les concepteurs ont choisi de représenter différentes régions du globe sous un aspect plus ludique.

Sa boucle de jeu et ses mécaniques, quant à elles, se rapprochent aussi davantage du jeu de société. Cartes à tirer, actions à effectuer parmi une liste de choix possibles, gestion de « ressources », si on omet un instant le thème de la guerre on se retrouve presque face à un jeu de type Euro !

Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, pourrait-on dire, mais certains obstacles peuvent intimider les néophytes. En effet, ce sont des jeux plutôt complexes à appréhender tant en termes de maîtrise des règles que de savoir quoi faire une fois la partie lancée ! Avec plusieurs factions se jouant de façon totalement différente, une durée de jeu pouvant être importante, un livret de règles touffu et pas toujours bien rédigé, un mur est à gravir pour décrocher le sésame menant au monde du wargame.

Pour celui qui n’aurait pas le courage de franchir ce mur et qui rechercherait des sensations similaires avec un jeu plus accessible, il lui restera un lot de consolation fort sympathique : le jeu de plateau Root de Matagot, alternative réussie au système COIN au pays des chats impérialistes et des canards.

Root - Matagot

Bonne nouvelle cependant, désireux de ne pas réserver cette très bonne série aux grognards habitués aux wargames longs et complexes, GMT -l’éditeur de la série COIN-  a décidé de mettre le mur à bas en sortant des épisodes plus adaptés aux nouveaux joueurs désireux de découvrir l’univers merveilleux et sanglant des jeux de guerre.

Si People Power qui est déjà sorti, se veut être un COIN plus léger, c’est ici la nouvelle série COIN Multipack qui nous intéresse. Son objectif : proposer un condensé du système COIN au format duel et via des opus multi-jeux, c’est-à-dire proposant scénarios de complexité variable sur une même base, pour s’initier en douceur à ce système tout en gardant la profondeur stratégique qui la caractérise.

COIN People Power


The British Way, le plus accessible de la série ?

Le premier épisode de cette nouvelle série, The British Way, est sorti fin mai 2023 et traite de la campagne de contre-insurrection menée par les Britanniques entre les années 1945 et 1960 en Malaisie, au Kenya, en Palestine et à Chypre. Faisons le tour du propriétaire et analysons les différences de chaque « module ».

The British Way
Pour commencer par ce qui peut fâcher, lors de la première ouverture le contenu de la boîte surprend. En effet, qui dit 4 jeux dit abondance de matériel, et l'on s’imagine une boîte pleine à craquer mais les concepteurs ont réfléchi différemment et évité les doublons en recyclant d’un jeu à l’autre ce qui pouvait l’être, ce qui a toutefois permis de maintenir le prix de la boite dans la norme des autres jeux de la série. Chaque variante aura donc d’unique sa région, imprimée ici en recto verso sur 2 plateaux, son manuel, ses aides de jeu et son deck de 35 cartes (ainsi qu’un deck supplémentaire de 18 cartes pour le mode campagne). Les pions, unités, dés et marqueurs sont quant à eux utilisés pour plusieurs titres, laissant au final une impression de vide pour une si belle boîte. GMT oblige, la qualité de l’ensemble reste toutefois bonne : Les 2 plateaux sont montés, les 54 pièces sont en bois, les pions et dés sans bavure et les 158 cartes plutôt robustes. Seuls les marqueurs s’avèrent de qualité variable selon leur type.

En ce qui concerne les manuels, si la première rencontre avec ces 5 livrets écrits dans la langue de Shakespeare fait frissonner, fort heureusement la quantité à absorber reste minime. Bien que différents, chacun suit le même cheminement : Rappel historique, présentation du plateau et des pièces, description de chaque action, conditions de victoire, puis partie commentée, astuces et informations de mise en place. Couplé à une aide de jeu qui se suffit presque d’elle-même, il ne faudra qu’une partie et quelques coups d’œil dans le livret pour connaître la quasi-totalité de ce qu’il faut savoir à chaque « jeu », si on omet la traditionnelle poignée de zones grises dans les règles que les concepteurs auront le loisir d’éclaircir progressivement sur les forums. Ce n’est pas une grande victoire, tant je trouve les manuels de GMT peu limpides et celui-ci ne faisant pas exception, mais l’ensemble s’apprend sans grande difficulté en jouant et l’essentiel est là.

The British Way : livrets

Vous voulez un peu de lecture ? Pas d'inquiétude, l’essentiel tient en peu de pages.

The British Way les règles synthétiques

Certaines informations sont redondantes d’un livret à l’autre.


the British Way aide de jeu

Fiche d’aide du joueur Britannique pour la campagne au Kenya, listant les opérations possibles sur ce scénario et les actions influant sur la volonté politique qui fait office de score.


Quand rapidité et simplicité riment avec profondeur stratégique

S’il y a un gros point positif à mettre en lumière, c’est la rapidité de la mise en place et des parties. Quel que soit le scénario, la boucle de jeu et les objectifs restent les mêmes, avec un insurgé souhaitant réduire la volonté politique Britannique et l’Anglais qui se bat pour la conserver. Lors de la mise en place, qui prend moins de 5 minutes, 21 cartes évènement sur les 36 du module en question forment un deck qui régira la partie. Les cartes restantes n’étant pas utilisées, cela assure variations et imprédictibilité quant aux évènements à venir.

Chaque tour se déroule ainsi :

-          On retourne une carte évènement.

-          Le joueur qui a l’initiative choisit parmi 3 possibilités : faire une opération limitée (équivalent d’une action partielle), jouer l’évènement de la carte retournée ou effectuer une opération complète divisée en 2 actions distinctes. Il peut ensuite valider l’option choisie ou passer son tour s’il n’est pas inspiré afin d’obtenir un léger bonus (gain de ressource, de renseignement…).

-          Le second joueur doit ensuite se décider parmi les 2 choix restants, avec toujours la possibilité de passer son tour si rien ne lui convient.

-          Celui qui se sera positionné sur l’action la plus simple (dans l’ordre, opération limitée < évènement < opération complète) gagne l’initiative pour le tour suivant et on retourne une nouvelle carte. Ce duel d’initiative, simple dans sa mécanique, revêt une importance capitale.

-          Tous les 5 à 7 tours, c’est l’étape de Propagande, bilan de milieu de jeu impactant la volonté politique et faisant office de nettoyage du plateau.

-          Si aucun des camps ne gagne la partie en cours de jeu (en atteignant leur objectif respectif de volonté politique), cette dernière se termine automatiquement au bout de la 3ème propagande et le joueur le plus proche de son objectif finit vainqueur.

C’est aussi simple que cela en ce qui concerne la boucle de jeu, qui se termine au bout d’1h30 maximum et qui réussit malgré tout à offrir une intéressante profondeur de jeu grâce aux choix qu’elle offre aux joueurs. Chaque camp ayant des objectifs et un champ d’actions différents, la stimulation cérébrale que procure le jeu est intense sans tomber dans l’excès, les parties sont tendues et l’on s’immerge sans peine dans le conflit.

The British Way : carte

C’est l’heure des comptes !

Au-delà des actions relatives à chaque camp, les cartes évènement auront pour rôle d’ajouter de l’aléa à travers des actions temporaires jouables le tour en question seulement ou valables pour le reste de la partie : ces dernières sont appelées les capacités. Parfois marginales, mais possiblement destructrices, on préfère occasionnellement sacrifier son tour en bloquant la carte pour empêcher son adversaire de sauter sur une opportunité aux conséquences plus lourdes. La gestion du risque est un facteur omniprésent sur The British way, d’autant plus que les parties sont courtes et que chaque étape de Propagande arrive vite.

British Way une carte événement

Les cartes évènements proposent souvent 1 choix pour chaque camp, en haut pour les Britanniques, en bas pour les insurgés. Si un bandeau bleu ou rouge est présent au milieu de la carte, la capacité est valable jusqu’à la fin de la partie (le camp indiqué dessus importe peu, c’est une simple mention historique).

 

Pour un jeu acheté, trois jeux offerts !

The British Way se découpe donc en 4 jeux (aussi appelés ici scénarios, modules ou variantes) ayant pour objectif de dépeindre les différentes approches utilisées par les Britanniques pour gérer ces insurrections. De la protection des chemins de fer à la terrorisation de la population en passant par l’instauration de couvre-feux, le spectre est large et les concepteurs ont réussi, outre l’aspect ludique, à faire de leur jeu une source d’informations sur ces évènements globalement méconnus.

Des 4 scénarios, on peut les regrouper en 2 catégories. Chypre et Palestine font office de variantes plus simples et rapides à jouer, parfaites pour débuter. Les Britanniques y font face à des cellules terroristes clandestines plutôt que de larges groupes organisés et l’essentiel de la partie ressemblera à un jeu de chat et de la souris à l’échelle nationale où le joueur insurgé cherchera à faire plier la volonté politique Anglaise à travers des actions de sabotage alors que son adversaire cherchera à tenir au maximum et à les en empêcher.

Les théâtres de la Malaisie et du Kenya offriront quant à eux une expérience plus proche du COIN traditionnel, légèrement plus complexe mais toujours condensée. Ce sont des suites logiques pour progresser dans le système, sans retirer toutefois l’intérêt des 2 plus petits jeux.

Campagne de Chypre (1955 – 1959)


Menée sous la surveillance de la communauté internationale, soucieuse du respect des droits de l’homme, cette mission prend en tenaille le Britannique qui fait face au groupe armé EOKA, cherchant pour sa part à bouter l’occupant hors de l’île. Il jouera donc l’équilibriste entre l’enfermement de la population via des couvre-feux, l’affrontement de la guérilla et le maintien de l’opinion internationale qui punira tout excès de zèle de sa part. Chypre est le module le plus simple des 4 et s’avère être le parfait candidat pour les joueurs débutants.

British Way Cyprus

British Way : Chypre

Le joueur Anglais vient d’instaurer un couvre-feu dans la région de Limassol afin de repérer la cellule terroriste présente (dorénavant retournée sur sa face étoilée), d’y empêcher le recrutement insurgé et de filtrer ses déplacements, mais n’aura pas réussi à empêcher le sabotage à Nicosia qui risque de lui coûter 2 points de volonté politique.

Campagne de Palestine (1945-1947)

Première campagne de contre-insurrection sur le plan chronologique, les Britanniques y affrontent l’Irgoun et le Lehi, groupes Juifs souhaitant libérer le territoire du joug Anglais, tout en faisant attention à ne pas trop éveiller la curiosité de la Haganah, autre organisation paramilitaire Juive. Points clés du scénario, les chemins de fer, cibles 5 étoiles pour les insurgés en quête de sabotage que le Britannique cherchera à protéger à coup de détention de masse.

COIN Palestine
British Way Palestine

Malgré un échec sur les rails menant à Lydda, de nombreuses opportunités se présentent pour l’Irgoun qui a établi des bases (les disques rouges) à Jérusalem et Samaria et menace 2 lignes de chemin de fer au nord.

Campagne de Malaisie (1948 – 1960)

Affrontant cette fois le parti communiste Malais, ce scénario légèrement plus complexe que les 2 précédents intègre la gestion de ressources, nécessaires pour effectuer des opérations, et met au premier plan la bataille pour le contrôle du territoire. Cette fois, le Britannique cherchera à protéger les zones économiques, véritables poules aux œufs d’or, de tout sabotage et créer de nouveaux villages tout en affrontant de façon plus directe l’opposition. Spécificité de cette campagne, le changement de commandement Britannique, influant sur ses capacités à réaliser les opérations.

Campagne de Malaisie
COIN Malaisie

Les 2 centres économiques (les cercles valant 6 points) sont en danger. Ayant privilégié ce tour la prise de contrôle de Negeri Sembilan avec des forces de Police (les cubes bleus), le joueur Anglais risque de se trouver face à 2 urgences le tour suivant.

Campagne du Kenya (1952 – 1960)

Le duel entre le Groupe insurgé Mau Mau et les Britanniques est d’un style différent des autres. Si les premiers, pauvres comme jamais, possèdent des capacités de combat proches de l’inexistant, les seconds sont dotés à l’inverse d’une grosse force de frappe, renforçant d’autant plus l’asymétrie entre les 2 camps. Il en résulte une guerre dans laquelle le joueur Kenyan cherchera à optimiser son maillage territorial pour prospérer et à rendre les zones hostiles au Britannique, qui lui aura pour objectif de réduire la population et chasser la résistance sous différentes formes de répression, en tentant bien sûr de limiter les conséquences politiques d’une telle façon de procéder.
British Way Kenya
TBW Kenya map

Après avoir relocalisé la population de Embu, les Anglais continuent de repousser les Mau Mau qui, discrets, s’infiltrent dans la région de Nyéri pour y instaurer terreur et rébellion avant de rebrousser chemin.

Campagne End Of Empire

Alors que chaque scénario s’apprécie tel quel, les concepteurs ont ajouté un mode campagne intégrant ses propres mécaniques et liant chaque scénario ensemble avec un soupçon d’évolutivité et de persistance. Doté elle aussi d’un deck unique, elle est pensée pour être rejouable mais je n’ai pas eu l’occasion de la tester à ce jour.


Une bonne raison d’aller au coin

Il en ressort de The British Way une impression fortement positive. Première raison, la mise en place rapide et la faible durée des parties le rendent propice à des sorties régulières, d’autant plus qu’il occupe un espace restreint sur la table si on le compare à ses aïeux. Sa formule condensée réussit quant à elle à offrir une expérience COIN qui n’a stratégiquement rien à envier aux autres volets tout en le rendant plus accessible, ce qui est un excellent point tant les wargames sur table, COIN compris, demandent en général un certain investissement en énergie et en temps. On pourrait regretter la faible quantité de matériel ou les livrets de règles pas toujours clairs, mais ce sont des détails face au plaisir procuré par ce titre au potentiel ludique et compétitif aussi intéressant que le sujet traité.

J’attends maintenant avec impatience de voir l’évolution de la série, à commencer par un COIN classique, People Power, qui vient de sortir et traite de la contre-insurrection aux Philippines dans les années 80, puis le volume 2 des COIN multipack, Guerilla Generation, orienté conflits sud-américains et qui devrait voir le jour au mieux fin 2023 sinon 2024.

Une note pour les joueurs solo : Contrairement aux autres COIN il n’y a ni bot ni automa, considérés à ce jour comme trop lourds à programmer pour 4 jeux malgré la simplification. Cependant, et en attendant un éventuel projet de la communauté, le jeu se prête très bien au duel contre soi-même qui, s’il ne vaut pas un affrontement en face à face fonctionne ici remarquablement et permet de découvrir ce conflit sous la forme d’un excellent puzzle.

bristish way mau mau

Si GMT continue ainsi, nos finances ressembleront rapidement à celles des Mau Mau…

Categories: Wargame
Max

Passionné par l’univers des wargames et jeux de stratégie, j'étais initialement un joueur sur PC mais j'apprécie de plus en plus l’élégance et le côté tactile du jeu sur table, qui occupe désormais la majorité de mon temps de jeu.

Jeu PC favori : Combat Mission

Jeu de société favori : Spirit Island