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Nagashino 1575 & Shizugatake 1583 : le Sengoku-jidai à l’échelle « grand tactique »

Sommaire

Déjà auteur de l’excellente série consacrée aux batailles des Guerres de religion en France au XVIème siècle (Par le feu, le fer et la foi et The Fate of Reiters), ainsi que de plusieurs publications dans le magazine Vae Victis, Philippe Hardy s’attaque cette fois-ci au Japon médiéval, et plus précisément à l’époque des « provinces en guerre », avec un premier titre sobrement intitulé Nagashino 1575 & Shizugatake 1583.

Il n’aura pas échappé aux observateurs les plus attentifs la mention du « volume I » en haut à droite de la boîte, laissant présager qu’il s’agit là du premier opus d’une série appelée à connaître des suites et portant le nom de « age of the warring states ».

NDLR : Entre temps est effectivement sorti le second opus de la série, avec la bataille majeure de l'époque : Sekigahara 1600.


Une boîte, deux batailles


Pour ce nouveau jeu, l’auteur nous propose grâce à deux cartes imprimées recto-verso et quelques 200 pions de rejouer deux batailles d’importance de la fin du XVIème siècle.

 

Ainsi, la bataille de Nagashino, le 28 juin 1575, voit Oda Nobunaga vaincre ses rivaux du clan Takeda pour assoir sa domination sur le Japon dont il deviendra par la suite le premier unificateur. Face à la tant redoutée cavalerie adverse, Nobunaga va opposer au centre près de 3.000 arquebusiers dirigés par ses meilleurs officiers aux fins d’effectuer un feu coordonné d’une efficacité redoutable. Un « mur » contre lequel viendra se briser l’élite militaire du clan Takeda, et une défaite qui l’écartera de la course au pouvoir.

 

La bataille de Shizugatake quant-à-elle, voit s’opposer le 11 juin 1583 les favoris à la succession d’Oda Nobunaga, assassiné l’année précédente. Après avoir conquis plusieurs fortins adverses, l’impétueux Sakuma Morimasa se lance à l’assaut de la forteresse de Shizugatake contre l’avis de son oncle, pensant, à raison, son adversaire, Hashiba Hideyoshi, à quatre jours de marche. Mais au prix d’une marche forcée, l’armée d’Hideyoshi couvre la distance en un jour et demi et lance l’assaut sans même attendre le lever du soleil. Cette victoire ouvrira à Hideyoshi les portes du shogunat, et fera rentrer ses généraux dans la légende des samouraïs sous le titre des « sept lances de Shizugatake ».


Un jeu alliant classicisme et innovation

Côté matériel, au-delà d’un graphisme très réussi et en parfaite adéquation avec le thème, nous trouvons d’un côté des pions aux valeurs assez classiques pour un wargame à cette échelle.

pions Nagashino 1575 & Shizugatake 1583

Exemple de pions, ici des Samouraïs Hatamoto

Les unités, représentant 500 soldats (ou 1.000 servants, ou encore un Daimyo ou un Taisho et sa garde rapprochée), sont caractérisées par une valeur de combat en mêlée, une valeur de combat à distance, et une capacité de mouvement (les chiffres à gauche de la silhouette). Elles ont également une valeur de qualité qui sera testée dans certaines circonstances comme par exemple pour déterminer si l’unité tient le choc ou si elle tourne les talons, ou encore si elle agit alors qu’elle est coupée de son commandement.

 

Les samouraïs sont bien évidemment les « stars » de la bataille avec des valeurs souvent élevées, et la possibilité de combattre aussi bien à cheval qu’à pied. Pour autant, il conviendra de ne pas négliger les autres forces. Il est ainsi possible d’obtenir des avantages au combat dès lors que l’on combine plusieurs « armes », comme des lanciers agissant de concert avec des archers par exemple, ou mieux encore une association de lanciers (ashigaru yari), d’archers (ashigaru yumi) et d’arquebusiers (ashigaru teppo-gumi). De même, bien que leur valeur au combat soit négligeable, les servants (chugen) permettront aux samouraïs de remplacer une unité manquante pour bénéficier d’un bonus de combinaison tactique. En effet, formés à tous les arts de la guerre, les samouraïs adaptaient leur armement au fil de la bataille… à condition bien évidemment d’avoir un serviteur à disposition pour porter leur équipement !

 

Côté carte en revanche, là où à cette échelle habituellement on retrouve des hexagones, l’auteur fait ici le choix d’une carte à zones, chacune présentant un code numérique en deux parties inscrit sur un fond coloré. Et cette association suffit à nous donner toutes les informations utiles au jeu.

 

Ainsi, la couleur du fond indique si la zone bloque la ligne de vue (marron) ou non (jaune). La première partie du code indique le dénivelé de la zone (premier chiffre) et son identification. Enfin, la deuxième partie du code, en chiffre romain, indique la difficulté du terrain (de I à III), tant pour les mouvements que pour les combats qui s’y déroulent.

 

Comme un exemple vaut mieux qu’un long discours, regardons ci-dessous la zone du château de Shizugatake (221-III). Nous apprenons qu’il est plus haut que les forêts environnantes (1--) à l’exception du chemin qui y mène (216). C’est un terrain fortifié (III), qui bloque les lignes de vue (fond de couleur marron).

 

C’est une petite gymnastique à acquérir, mais une fois maîtrisée, elle offre une grande fluidité au jeu et évite de recourir à l’habituelle table des effets du terrain.


le château de Shizugatake

Le château de Shizugatake


L’art de la guerre


Les règles, en français (c’est suffisamment rare pour être souligné), ne représentent qu’une dizaine de pages, sans difficulté majeure mais dont l’écriture est cependant assez dense. Le tour de jeu se décompose en trois grandes phases ; une phase d’initiative, une phase d’activation (en alternance entre les joueurs), et une phase d’entretien.

 

La phase d’initiative amènera à vérifier la chaine de commandement de son armée ; le Daimyo (seigneur) commande aux Taishos (généraux) lesquels commandent aux unités de leur division respective. Concrètement, il suffit que les pions soient à portée de leur supérieur hiérarchique ; une portée qui s’exprime en un nombre de zones équivalent à leur valeur de qualité. Un Taisho isolé devra réussir un test sous sa valeur de qualité (ou égal) pour pouvoir activer sa division. Une unité isolée quant-à-elle souffrira de nombreux malus, comme l’impossibilité d’attaquer ou de bénéficier de marqueur tactique.

 

L’occasion pour moi de vous parler d’une autre originalité du système qui retranscrit bien, à mon sens, les doctrines de l’époque. Au début du scénario, chaque armée se voit attribuer une formation allant d’extrêmement offensif (AAA) à extrêmement défensif (DDD) en passant bien entendu par les échelons intermédiaires. Selon la formation choisie, le joueur aura accès à cinq marqueurs tactiques à jouer lors des combats de ce tour et conférant un bonus aux jets de dé, bonus plutôt offensif ou plutôt défensif selon la formation choisie. Et là encore, la qualité de son Daimyo aura un rôle à jouer puisque parmi ces cinq marqueurs, il ne pourra en tirer au hasard qu’un nombre équivalent à la valeur de qualité de son leader. Bien évidemment, les formations les plus extrêmes donnent les meilleures chances de tirer les marqueurs avec le meilleur bonus, qu’il soit offensif ou défensif, mais a contrario des formations plus équilibrées offriront certes des marqueurs moins puissants mais plus polyvalents.

 

Et au cas où les choses ne se passeraient pas comme prévu, il sera possible de changer de formation au cours de la bataille… à condition une nouvelle fois de tester la qualité de son Daimyo, et avec des malus pour passer d’une formation offensive à une formation défensive (et vice versa).

 

Les formations, et les marqueurs tactiques qui en découlent, apportent clairement du piment à la partie, tout d’abord en mettant en avant les meilleurs stratèges de l’époque, mais également en établissant un brouillard de guerre, l’adversaire n’ayant pas connaissance de la formation que vous avez choisi. Il est d’ailleurs possible de maintenir le secret lors du test d’initiative qui clôt cette phase et que nous allons détailler juste après.

 

En effet, afin d’établir le premier joueur à activer une division, la phase d’initiative se conclue par un jet d’initiative, chaque joueur lançant un dé et y ajoutant la valeur de qualité de son daimyo, ainsi que le bonus / malus de sa formation… sauf s’il ne souhaite pas le révéler à son adversaire (auquel cas il ne l’intègre pas dans son calcul).

les sept lances de Shizugatake

Les sept lances de Shizugatake

Vient alors la phase d’activation où les joueurs vont alternativement activer leurs divisions, en commençant par le joueur ayant gagné l’initiative.

 

Chaque unité peut se déplacer à concurrence de sa capacité de mouvement, les zones coûtant plus ou moins de points de mouvement selon leur difficulté (I, II ou III) et la bordure qui les sépare (les traits en pointillé n’ayant aucun surcoût par exemple, contrairement aux traits épais qui sont infranchissables). Comme dans beaucoup de wargames, les unités ennemies exercent des zones de contrôle qui impactent le mouvement de l’adversaire, avec la particularité ici que pour exercer ces dernières, elles doivent se trouver dans une zone ayant une assise défensive supérieure à sa voisine (toujours le fameux chiffre romain ; I, II ou III). Grâce à ces quelques règles assez simples à mémoriser et aux choix de design de la carte, le terrain particulièrement accidenté du Japon est plutôt bien rendu et l’on se représente sans peine la topographie du champ de bataille.

 

Une fois les mouvements effectués, la division activée peut combattre (c’est même conseillé !). Les combats s’effectuent de zone à zone, avec la restriction qu’une seule attaque peut être lancée par zone. En revanche, une zone peut être attaquée plusieurs fois durant la même activation, les offensives supplémentaires recevant même un bonus (gare aux encerclements !).

 

Les calculs liés aux combats, souvent redoutés par les débutants, sont ici des plus simples puisque chaque camp va désigner une unité principale dont on utilisera la valeur (de mêlée ou de tir) pour la résolution (pas de ratio à prévoir). Une simple soustraction entre ces deux valeurs donnera la base à laquelle viendront s’ajouter divers bonus en faveur d’un camp ou d’un autre. Le différentiel final sera ajouté au résultat d’un jet de deux dés (à six faces) pour connaître le résultat de l’assaut, sachant qu’un différentiel négatif sera favorable au défenseur, et à l’inverse un différentiel positif à l’attaquant.

 

Les résultats sur la table de combat vont de la perte sèche à la désorganisation (deux niveaux), en passant par des tests de qualité pour les unités impliquées (un échec engendrant un niveau de désorganisation). A noter que la table de mêlée est beaucoup plus létale que la table des tirs… et que ces derniers seront par ailleurs uniquement défensifs, conformément aux doctrines des officiers de l’époque.

 

Je passerai rapidement sur la phase de réorganisation qui permet de retirer les divers marqueurs d’information et de rallier ses troupes désorganisées, là encore avec un avantage pour celles dans le rayon de commandement de son Daimyo et / ou Taisho.

Suivre le Bushido ?

Avec ses règles accessibles et son matériel parfaitement dans le thème, cette première boîte de la série « age of the warring states » nous plonge sans coup férir dans les batailles du Sengoku-jidai. Immersif sans pour autant se perdre dans une multitude de détails, le système restitue intelligemment l’esprit si particulier qui animait les combattants de l’époque, au premier rang desquels les samouraïs qui sont encore aujourd’hui source de mythes, de légendes, et d’inspiration. Une mise en bouche réussie qui appelle forcément une suite !

Setup Nagashino

 

Visuel du jeu

 Fiche technique :

Nagashino 1575 & Shizugatake 1583

Concepteur : Philippe Hardy

Editeur : Serious Historical Games

Date de sortie originale : 2022

Nombre de joueurs : 2

Durée : 2h-4h

Categories: Wargame
Tombé dans la potion ludique quand j'étais petit, ma passion est née dans les années 80 avec les livres dont vous êtes le héros, Blood Bowl (1ère édition), l'Oeil Noir et une lecture assidue du magazine Casus Belli. Faire la liste de ce à quoi j'ai pu jouer à l'époque serait trop long. Aujourd'hui, je suis un "joue-à-tout", appréciant tout autant de peindre des figurines, d'arpenter un donjon en famille (Gloomhaven), de refaire l'histoire autour d'un wargame (ASL, la série COIN) ou de maîtriser une partie de JdR pour des amis.